mercredi 20 mars 2013

ConsternationS

J’avais mis mes lunettes, celles avec qui je dois orienter tout mon corps (dans l’axe calculé au meilleur du pire) vers ma destination.
Tout en tentant de feindre une marche horizontale et droite sans obstacle (une marche normale quoi !) avec force de concentration pour ignorer  le signal de mes yeux. J’en oubliai mes pieds, mes simples pieds non appareillés et juste chaussés du dernier cri de mon confort.
Le gros de la troupe était alors assez loin marchant devant deux par deux (à certains endroits c’était un par un tant le trottoir à certaines places était étroit)… marchant à un rythme soutenu par l’appel de la récréation qui avait déjà commencé. Et vraiment c’est la chose à ne pas louper quand tu es écolier, si tu veux avoir le temps d’aller aux toilettes, de prendre ton goûter, de jouer au basket, de jouer au foot, de retourner aux toilettes, d’avoir soif, de retourner dans la cour, de rejouer au basket ou au foot, ou les deux en même temps, d’enlever ton manteau parce que tu as chaud, de le remettre parce que la maîtresse l’a dit, de sauter à la corde, de faire un épervier, d’aller te poser sur un banc, celui des grands ou des petits de ceux qui dessinent même sous la pluie, de courir, de crier…et d’à nouveau enlever ton manteau juste avant que ne sonne le retour où il faut se remettre deux par deux parce que c’est la récré qui est finie (enfin presque parce qu’il y a encore les couloirs qui tournent à l’envi !...)
[cette note risque d’être assez longue car j’ai oublié sur le bureau de l’école tout ce que j’avais à y faire pour demain]
Et voilà mon pied gauche entrant en résistance, ne voulant pas se décoller du sol, tout mon corps  parti en avant, allait me faire choir, je battais des bras, je voyais déjà mon nez s’éclater au sol, quand enfin ma chaussure se déchira, permettant à toute ma jambe de venir rétablir l’équilibre d’un très long pas en avant (enfin je crois…)
Consternation : Devais-je réellement regretter la perte de la paire de mes chaussures préférées devenues à jamais dépareillées ?
Puis je fis très vite le deuil de ces dernières, après tout j’avais échappé au pire, m’étaler de tout mon long face contre terre, et laisser mes apprenti-e-s se mettre à hurler : maîtresse maîtresse en imitant la sirène des pompiers…
Me retournant alors, je vis dressée au milieu du trottoir une barre pointue toute rouillée, j’achevais alors ma dernière chaussure valide pour la rabattre à l’horizontal, en essayant de me souvenir si tous mes vaccins étaient à jour, car n’ayant même pas eu peur, nul de mes organes ne fut tétanisé(s) par l’absence d’un doute.
Ce fut alors qu’une grand-mère intriguée de la longue station de mes ouailles devant sa maison, fit son apparition sur le pas de sa porte au volet à moitié levé. Mon dieu et si cela fut elle à ma place ! Je lui signalai alors l’endroit de tous les dangers situé à, à peine trois mètres de là. D’abord elle crut à une mise en demeure de réparer. Sa première réaction me consterna, puis enfin elle comprit que je n’avais pas envie qu’elle s’écrasa un jour, un matin ou un soir, seule et sans passant ni voisin.
« Mais je suis vieille, j’ai quatre-vingts-ans, je n’ai plus vingt ans, je ne vais plus me promener … »

Les vieilles Polonaises parlent toujours un excellent français, elles n’ont jamais adopté le patois, c’est une fierté tout à leur honneur. C’est toujours pour ça que j’ai l’impression qu’elles ont un accent alors qu’elles n’en n’ont pas.

Et moi qui pensais qu’elle en avait au moins cent parce que depuis vingt ans de bons et loyaux bonjours, elle se ressemble à elle-même comme au premier jour de mon premier cours dans ma première classe dans ce village…
Sur son pull beige des traces de plusieurs repas.
La différence est là ou peut-être pas, peut-être que c’est juste mes lunettes progressistes qui font ressortir les détails que je ne voyais pas. Moi aussi je vieillis.
La récréation en était à sa deuxième entame, je racontai ma nouvelle mésaventure (il y a eu aussi celle de la plaque d’égout, mais à vous chers lecteurs, je vous épargne tous les cadavres engloutis par l’imaginaire des têtes brunes et blondes dont j’ai l’heureuse charge, ainsi que le suivi hebdomadaire de la décomposition du hérisson sis près du local à poubelles de la bibliothèque, ainsi que l’histoire toujours renouvelée de la maison abandonnée devenue  la maison de la sorcière)… je racontai donc ma nouvelle mésaventure à ma première collègue croisée, en bien plus court qu’ici.
« T’as vu ma chaussure ! »

 
THE REAL SUMMARY POUR PERSONNES PRESSEES ET DEVINETTE POUR L’ÊTRE AIMEE 
* (J’accompagnais en queue de peloton une petite fille qui aime bien se ranger avec la maîtresse…et puis nous avons couru pour devancer le passage pour piétons. C’est elle qui a résumé l’évènement, avec ces simples mots, aux autres élèves étonnés par le ton de ma voix :
                «En fait, Madame a trébuché. ») 
 **(Tout en n’étant vraiment pas trop moches, pas trop chères et confortables, mes chaussures étaient l’alliance rêvée depuis des années d’une méphisto et d’une zallendo coordonnées à la profondeur de mes yeux couleur de la Meuse une nuit d’été).
***( Qu’il danse entre les lignes petite musique de notre corps)

dimanche 10 mars 2013

Le show de l’hiver, c’est l’été qui s’invite déguisé en printemps.

Ce matin nu loin de tes bras j’ai aimé ça, j’ai aimé aussi lire entre tes mots et mes cheveux mouillés que mon corps était toujours là.
Il neige au-delà de nos âmes et les hippocampes qui s’aiment sont aussi belles singulières qu’au féminin pluriel…Je souris. Je souris bien plus que je n’écris, je souris, je souris absente du souci qu’un jour tu m’oublies.