C’est l’envie de me glisser dans tes mots qui me fait laisser tomber une à une toutes mes retenues. C’est le désir de m’abandonner pour que tu m’ouvres grand les bras et qu’à mon oreille tu murmures tous les mots que j’avais oubliés…
Je passe par la petite grille, les aboiements du chien du concierge m’accueillent, il fait frais mais il fera beau, la couverture grise de ces derniers jours n’est plus qu’un haillon de vieilles fibres entre lesquelles le soleil s’incline. Ce ne sera pas encore le bleu immaculé venu de Chine, mais c’est le signe quand même que l’astre de feu commence et finira cette journée.
Je traverse la cour et soudain je pense à toi. Je suis dans cet espace goudronné habité par deux vieux paniers de basket rouillés, tout est figé, comment imaginer que d’ici quelques minutes la vie me sautera à la gorge sans me laisser aucun répit, que j’oublierai tout, tout ce qui n’est pas ici, et toi aussi.
J’ouvre la porte et déjà dans ma tête je récite le code de l’alarme, le code du photocopieur, le nombre de doses pour le café…puis je transporte mes bagages jusqu’à cet antre où je vais devoir concilier les programmes avec la réalité de ma classe.
Les premiers enfants arrivent enfin et c’est un soulagement de quitter ma tête emplie de préparations et de tableaux à renseigner.
Après je ne sais plus. C’est une autre personne qui prend ma place.
Le soir je me réveille au volant de ma voiture, prise entre deux feux, retourner à la maison ou aller à cette réunion qui malgré tout est obligatoire… ?
Je me sens « le pouvoir de décider ». Je me perds trois ou quatre fois dans cette cité que je ne connais pas, et puis je demande mon chemin…
Je ne sais pas ce que je pourrais te demander. D’abandonner cette tristesse passagère ? De reprendre là, tout au début où nous n’étions que deux femmes perdues ?
Tu sais dans ce film que tu m’as fait redécouvrir, c’est Maggie que je (re)connais le plus.
Les mots que j’attendais, que j’espérais comme un aveu enfin, se libéraient finalement en expression, en regard…et dans la découverte de leur première étreinte sur la plage.
Tu me manques. Tu me manques, en je ne sais pas quoi, certainement pas en confiance, ni en amour. Je ne sais pas, mais j’aimerais tant te demander mon chemin.
Le ciel est foudroiement bleu dans ce minuscule bureau, qui passe par deux étroits rectangles au-dessus de la portée des yeux, pourtant c’est là que je suis en ce moment, dans l’hiver d’une pièce en rêvant d’un été absolu. Finalement je ne connais rien de la vie. On décide des classes, comme sur un marché sans offre, pas assez de poissons de toute façon, on jettera le filet tout neuf et on raccommodera les lambeaux de cycles entre eux. Il me faut de l’air, sortir, être en dehors de cette pièce prison. Peut-être qu’un jour je serai professeur des écoles. Qui sait ?
J’aurais une nouvelle voiture avec un gps intégré pour t’emmener au bord de la petite mer.
J’ai l’impression que nous jouons à cache-cache derrière cet énorme rocher de mots circulaire, nous avançons, nous nous entendons, nous nous écoutons et sans jamais reculer nous finirons bien par tomber dans les bras l’une de l’autre. Comme une délivrance. Je t’avouerai mon inexpérience à dire autrement qu’avec les gestes de mon corps ce que je ressens…
Je ne rêve pas, ni phantasme, n femme idéale, je crois juste à la chaleur qui fait se prendre les âmes soeurs entre-elles.