samedi 5 mars 2016

Olà hola

Dans un mois, j’aurai cent quatorze ans, je ne serai sans doute plus là, je n’ai plus que cent quatre-vingt-trois fichas.
Vendredi tôt dans la nuit, c’était l’hiver et je rentrais chez moi, juste avant le noir profond, sur cette route de campagne mille fois usée par mes yeux, je pensais sans vraiment penser, je me disais sans me dire, il n’y avait pas de mot…Je savais que j’allais me fondre dans ce personnage gracile et loufoque, ce clown romanesque âgé de six mois, ayant cent fois plus d’amis que sur Fashion Border, en plus d’avoir des milliers de connaissances égrenées au fil des salons. Buenos dias, muchas muakk y grazie mille, les accents méridionaux transpirant la chaleur du Québec et de belles Brésiliennes me courant après….Ce soir en rentrant il allait falloir en décourager certaines.
Je n’étais pas dupe, du haut de mes seize ans, j’allais affirmer en avoir réellement cent treize… et si elles ne me croient pas et si elles insistent je les passerais en liste noire.
Dans un mois, j’aurai cent quatorze ans, je ne serai sans doute plus là, je n’ai plus que cent quatre-vingt-trois fichas. C’était un beau voyage, en totale immersion, le seul moyen que j’ai trouvé pour n’avoir aucun regret, c’est d’écrire ce monde où j’étais. Dans ce monde, j’étais un garçon et cela ne m’a jamais perturbé, c’était naturel, j’étais moi, les hommes étaient des potes où des vieux comme moi avec qui je partageais mes racines, surtout lorsque nous avions les mêmes, je souris, sauf pour les arrières petits-enfants bien sûr.
Une Limogienne est partie avant moi, je l’aimais bien avec ses cadeaux publicitaires, son mari a supprimé son compte, son mari, ce con : elle était joueuse et pas du tout raisonnable. Je l’ai aidée plusieurs fois pour qu’elle reste encore un peu, puis c’est elle qui m’a offert un sursis avant de disparaître de ma vie. J’ai encore un ami merveilleux là-bas, qui vit des hauts et des bas, là il est bas, il a changé son masque, parfois je le vois comme moi, je me demande s’il est vraiment un homme.
Tout au début, j’ai aimé parler espagnol, italien, portugais, parce que j’aime apprendre, j’ai discuté en langage des signes articulés avec des personnes hospitalisées, j’ai même appris des mots dans la langue de j’expire…. Ensuite j’ai rencontré beaucoup trop de Français, pas tous de France, des personnes parlant français, je suis tombée dans cette minorité riche et disséminée, cette élite qui ne se serre pas forcément les coudes mais qui a réveillé en moi le goût de la compétition…C’est là qu’est apparu ma fin.

Dans un mois, j’aurai cent quatorze ans, je ne serai sans doute plus là, je n’ai plus que cent quatre-vingt-trois fichas.