samedi 30 novembre 2013

En attendant le retour d’Inshitayatoo…

La gristesse ?
C’est le trébuchement d’une lettre pour apporter de la couleur à un sentiment ? Même si ce n’est pas véritablement une couleur ? Même si c’est juste un mélange de noirs dilué dans une goutte d’étincelle de lumière ? Même si  c’est très linguistiquement culturel ?
Ca me fait sourire éperdument tout mon questionnement sans savoir pourquoi.
Peut-être que c’est ça la « gristesse »… ?
 

dimanche 24 novembre 2013

Alaomista

Alaomista du haut de sa colline observait depuis le début, les dix-neuf sentiers qui ne menaient nulle part. Toutes les jeunes filles tournaient en rond, même les calibs, de mémoire de calib, n’avaient encore jamais vu ça : aucune d’elles après quatre jours n’avait franchi la frontière du slimyao.
Alaomista ne pouvait s’empêcher de les comparer à des gazelles, c’était l’image qui lui était venu spontanément et qui ne la quittait plus. Un mauvais souvenir de son enfance. Elle se voyait comme maintenant assise sans broncher, les yeux dans un paysage lointain. Le film (le fil de l’histoire) se déroulait avec cette terrible fatalité à accepter en serrant les poings.
Elle sortit alors de son sac un vieux carnet à spirale et avec son crayon y dessina une fière gazelle posant sa patte avant-droite sur un lion allongé à l’ombre d’un manguier. Et puis soulagée, rassérénée, ragaillardie, elle se mit à écrire une poésie. 
la Lune était tombée dans une flaque
elle l’avait fait exprès
pensant que le Soleil comprenant sa détresse
se montrerait enfin amoureux d’elle
et la sauverait...
mais ce jour-là
le Soleil ne sortit aucun de ses rayons
car sans la Lune
il avait très mal dormi
alors il s’emmitoufla dans un énorme nuage gris... 

Sa tristesse enfin épuisée, Alaomista reprit son poste d’observation, les calibs passeraient bientôt pour savoir « où » se ferait le croisement des chemins.

samedi 16 novembre 2013

« La princesse Inshitayatoo » ou « Quand le nuage de la peau de l’ours parle sous l’aurore iridescente d’un fuchsia et d’un poisson rouge »

Inshitayatoo parlait toujours en silence et cela depuis le jour de sa naissance, comme si elle s’excusait d’être née alors qu’agonisait la Princesse Totoyadminabila, la mère de sa propre mère Hinchidiyaverdi.
Le jour de ses douze années et une demie, comme on la pensait définitivement promise au retard du temps, il fut décidé au conseil des parents de la placer comme apprentie-prieuse dans le plus lointain des temples du royaume. Le voyage devait prendre 148 jours aux journées, mais personne n’aurait pu l’affirmer car le temple était « le temple dont on ne revenait jamais ».
Les jeunes filles triées au fur et à mesure des ans… (les garçons suivant une autre route qui pour les moins chanceux les conduisait au plus lointain des forts du royaume)… cette année-là, n’étaient pas moins que 19, issues de tous les milieux, et même exactement dix-neuf, ce qui pour un aussi petit royaume faisait bon nombre quand même.
Depuis l’annonce officielle lue par sa mère Hinchidiyaverdi devant la grande baie vitrée du salon s’ouvrant sur les hauteurs  du port fluvial d’Amakashiskoia, Inshitayatoo  ne faisait que contenir ses larmes pour les laisser partir à grands flots lorsqu’elle était seule dans sa chambre. Elle se sentait comme l’alternateur du barrage d’Invahsi qui ne finît par rompre que sous le poids d’un ouragan.
Inshitayatoo ne savait que parler en silence, elle ne savait pas expliquer toutes ces choses avec des mots.
A chacune le slimyao (le garde des valeurs) remit une carte, et un sac. Le sac était si léger qu’il ne fallut pas plus d’une journée pour qu’Inshitayatoo comprenne qu’elle aurait à le remplir de douleurs pour se vider de toutes ses peines.
Le premier jour, les pieds meurtris de solitude, elle oublia d’abord sa mère, ce qui lui permit d’atteindre le second jour.
Le second jour, elle perdit ses chaussons de danseuse impériale devenus lambeaux sanguinolents, dans un torrent de cailloux.
Le troisième jour, elle ne savait plus son nom, quand un calib lui glissant une patate d’eau douce dans le creux de la main, le lui demanda.
Le quatrième jour, elle n’avait plus que la carte qu’elle ne savait pas lire et cet énorme poids sur le dos.
Le cinquième jour, elle entendit des cris dans sa langue, alors elle se retourna…



C’est là que commença la véritable histoire d’Inshitayatoo.