dimanche 28 septembre 2014

Le désert de Goethe *

Les prisons de dune s’explosaient au ciel en millions d’étoiles, et la tornade de sable aux oreilles hurlantes de ma peur, me criait que désormais elle ne s’assouvirait plus qu’à mordre de ses grains la surface de ma chair.
J’avançais en rampant au vent, tout en sentant que tous mes cauchemars empliraient le cœur de ceux que j’aimais. Je ne pouvais pas mourir, non, pas déjà cette fois, j’avais encore trop d’amour à dire. Ma peau s’arrachait au sol, je perdais des choses de moi, mais sans être essentielles puisque je pensais. Oui ! Je pensais.
J’avais déjà si peur du vide, des tunnels, des galeries, des escaliers en colimaçon, du silence, de la nuit, que je n’aurais plus peur de la main qui me quitterait pour toujours.
Je pensais. Je pensais encore et encore pour ne pas m’étouffer de ce qui allait encore sortir de moi, de ces jours sans jour, de ces nuits interminables. Je me claquai la tête contre ce sol de poudre plus d’une fois, puis un jour, un jour plus loin, le temps enfin se mit au présent.
Il arriva cette antique personne, pour qui mon cœur se serrait à chaque fois que je la quittais, qui voulut m’épouser, qui m’avait coincée entre un écran et un clavier, ce personnage pour lequel j’avais écrit sous la dictée, écrit, les doigts tremblants de me tromper, sa vie passée et sa vie rêvée, soupiré entre deux baisers qui nous défiaient du monde qui nous entourait. Jamais je n’aurais cru ce qui m’arrivait, j’oubliais les prisons de dune, le bonheur se teintait de blanc et de couleurs, la vie coulait ponctuée de nos rendez-vous.
J’étais ensevelie de livres, de musique, de poésies, d’Histoire, et seulement, je transcrivais sa vie comme je pouvais, sous sa voix au début et puis ensuite sous sa seule écriture.
Nous savions que la mort l’emporterait, moi certainement un peu moins, j’étais son jeune et frêle bâton qui avait retrouvé le sourire devant la vie qui s’ouvrait devant lui.
J’avais eu mes prisons de dune, les siennes furent encore plus terribles, mais je vivais toujours, alors j’ai écrit toute seule mes mots, ceux que je pensais, je n’ai jamais lu Goethe et ne le lirais sans doute jamais, Goethe c’était lui et ses 135 ans qui me faisaient rêver à une forme d’immortalité…

« La naïveté vous sauve la vie plus d’une fois mais l’amour aussi.»

(Longtemps après sa mort j’ai cherché le seul livre qu’il avait publié, pas pour son contenu que je connaissais, juste pour voir son nom, pour me persuader que je n’avais pas rêver…)


*relu et corrigé le 28/09/14

dimanche 21 septembre 2014

un 21 septembre

Les feuilles chantent doucement sous le vent qui vient de je ne sais où, sûrement de plus loin que le jardin du voisin. Il fait presqu’automne mais on ne dirait pas, c’est cette si belle saison que j’avais oubliée, quand la rentrée des classes est déjà loin, et que l’année droite et sévère est entrée dans toutes ces cases avec la promesse de passer tellement vite que déjà j’aperçois le prochain été.
Les grues et les chantiers, le front de mer, la géographie intuitive qui me fait perdre dans les dunes, m’asseoir aussi sur la tombe de ma mère en plein soleil le jour de son anniversaire et lui lire ce passage de Coehlo sur les petits pas…
Rêver surtout,  les yeux grands ouverts sur le ciel, rêver aux choses qui peuvent toujours arriver, redevenir moi durant deux petits mois, un professeur  de rire et de rien sans autre emploi du temps que celui de vivre et d’aimer son prochain et surtout sa prochaine…
Une tondeuse perdue derrière la colline a entamé son long chant mélancolique et lancinant, ce doux dimanche de villégiature en route vers les futures étoiles se termine, et c’est si bon cette petite parenthèse que très bientôt je reviendrai ici écrire…. 

samedi 6 septembre 2014

Une aigrette de cyprine ou l’obsidienne de ses yeux ?

Je n’avais pas encore la mémoire d’une Butch Cassidy.
Je l’appelais Aimée en souvenir du film Aimée & Jaguar. Tous les jeudis matins dans l’azur naissant, elle se faufilait vers le haut de la montagne Sainte Geneviève, son corps de callypige miaulait encore sous le vent de la tempête, j’entendais presque les clapotis de sa chevelure. Elle me troublait et je rougissais sous l’obsidienne de ses yeux, comme à la lumière d’une aigrette de cyprine.
Et puis un jour de sérendipité, d’un train malencontreusement raté, j’entrais à « l’Accroche-cœur », ce café aux murs de miroirs et de photos, couleur de schiste, je m’emboîtais sans détours et sans mystère entre la banquette et la table couleur cerise, je ressentais en moi le bateau qui chavirait, ma peau était prête à éclater, je réalisais que j’allais la voir de très très près. Pour me détendre je me mis alors à feuilleter cette revue sur les oiseaux qui dans mon rêve était le signe pour nous reconnaître, mes doigts entortillaient les pages, je voulais être de plénitude, avoir le corps calme, ne plus entendre les filles au comptoir qui parlaient de manteaux de fourrure. Les minutes s’enhardissaient de ma fièvre et d’étoiles, je revoyais mon rêve comme un drapeau qui claquait au vent, comme un éclair de vie enfin qui me sortirait de la moiteur de mon corps.
Soudain le jour de la porte ouverte éclaira Aimée de chair et de passion, un immense sourire aux lèvres, tenant entre ses mains un gâteau d’anniversaire, elle avait autour du cou un collier de perles rouges et bleues qui dansaient, et plus je la regardais, et plus je savais que la zemblanité n’était pas seulement qu’un paquet de mouchoirs pour m’intimider.
Deux jeunes hommes alors se levèrent, elle déposa subrepticement le gâteau sur le comptoir et  les serra avec tendresse contre sa poitrine, les appelant «mes fils» leur disant haut et fort qu’elle les aimait.
La télé en boucle derrière le comptoir fit une nouvelle accroche, distillant encore et encore la révolte, la trahison et  la rage de celles qui lesbonophilaient pour un monde de sensualité à partager.
Ensuite elle alluma à l’aide d’une longue baguette enflammée les bougies.
A cette époque je ne censurais pas mes maux, j’avais pris un cahier pour observer et décrire, alors comptant parmi les mots ceux qui me resteraient à utiliser : donner, dormir, douceur, frôler, intensité, jouir et peloter, je ne me sentis pas du tout désarçonnée : j’avais encore mon caressefil…
Les garçons qui semblaient être des jumeaux soufflèrent en chœur les bougies, Aimée entonna un vieux chant yiddish polonais de célébration de mariage.
Ce fut là que je fis cette grande croix croisée dans ce fameux cahier : qui voulait dire tant pis ! si je suis catholique !!!!!!!
Alors je me suis levée, j’ai poussé avec des cliquetis la table et mes cinq tasses de café, je partais  regrettant d’avoir raté mon train et d’avoir passé ces quelques heures à rêver.
« Aslé ! »
Mais comment Aimée connaissait-elle mon prénom ?
« C’est ton cousin qui m’a dit que c’était toi, lui là : Michel ! Aujourd’hui il fête leur premier anniversaire avec Bertrand !
Ce fut ainsi que grâce à mon cousin Michel, je devins (au début) serveuse à « l’Accroche-cœur »…

Aslé en retard pour cineffable,

(Je rereferai une relecture pour les fautes de français, mais j’ai retrouvé ce grand début d’histoire tout à l’heure et impatiemment je l’ai terminée en écoutant Prince, comme quoi je change, jamais je n’aurais pu écrire ailleurs que dans le silence de mes mots.)


Je vous aime.